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Blog Réflexions sur la littérature (2010 - 2014)

Depuis quelques années, mais avec beaucoup de retard sur les États-Unis, hantés depuis toujours, on dirait, par la question du déclin de la lecture, on voit fleurir un nouveau sous-genre en France: à quoi bon la littérature ? Plus exactement : à quoi bon l’enseigner, l’étudier, l’analyser ? On en connaît les exemples devenus vite canoniques : Tzvetan Todorov (La littérature en péril, Flammarion, 2005), Antoine Compagnon (La littérature, pour quoi faire ?,  Fayard/Collège de France, 2007), Vincent Jouve (Pourquoi étudier la littérature ?, Colin, 2010). Le récent essai de Jean-Marie Schaeffer, Petite écologie des études littéraires – Pourquoi et comment étudier la littérature ? (éd. Thierry Marchaisse, 2011), reprend ces interrogations, mais les porte aussi à un niveau supérieur, tant par l’approfondissement philosophiques qu’il en offre (notamment dans le domaine de l’épistémologie –autant prévenir le lecteur que le chapitre 5 est rude) que par les questions politiques qu’il soulève (relatives, surtout, à l’organisation des nouveaux rapports entre enseignement et recherche –et ici on ne peut que préciser que le chapitre 7, qui termine le livre par une série de recommandations, devrait être lu par n’importe quel professionnel de la littérature ou de l’enseignement).

Schaeffer part d’un lieu commun, dont la critique fournira la clé de voûte de son argumentation : la crise de la littérature. Cette crise, pour lui, est mal définie, car il s’agit non pas d’une crise du livre ou de la lecture, mais d’une crise des études littéraires, qui pâtissent de plusieurs défauts. Aux yeux de Schaeffer, dont on suivra volontiers l’argumentation, le problème essentiel est la confusion entre les domaines, les axes ou encore les visées qui définissent l’objet et la pratique littéraires. Le texte littéraire est un objet à multiples facettes, où se rencontrent plusieurs dimensions  qu’on devrait essayer de tenir séparées. Essentielle à cet égard est la distinction entre valeur et connaissance, ou si l’on préfère entre dimension culturelle (quelles sont les valeurs qu’on veut transmettre, et à travers quelles œuvres ?) et dimension cognitive (quels sont les aspects du texte et de la vie des textes qu’on veut analyser et comment peut-on s’y prendre ?). Les études littéraires ignorent souvent cette distinction, multipliant ainsi les erreurs fondamentales : on identifie lecture (et lecture comprend entre autres plaisir, mais aussi rapport nécessaire entre lecture et écriture) à analyse (qui souvent tue le plaisir tout en coupant la lecture de l’écriture) ; on réduit aussi la littérature au seul canon (sans se rendre compte qu’il existe beaucoup d’autres types de textes et de lecture, y compris non littéraires) ; on compromet enfin les études littéraires mêmes, dont le retard par rapport aux sciences dures mais aussi par rapport aux sciences sociales se creuse de jour en jour. En effet, faute de procédures de recherche collective et collaborative fondées sur la séparation entre valeur et connaissance, faute donc de structures permettant d’arracher les études littératures aux débats sur le goût et la « bonne » littérature, les études littératures se condamnent au dilettantisme.

La crise stéréotypée de la littérature est hantée par l’oubli de la littérature : la lecture de qualité est en recul, il n’y a plus de vrais écrivains, l’édition se prostitue, et ainsi de suite. Pour Schaeffer, il est temps de penser cette crise autrement, et d’en sortir par une toute nouvelle approche. D’une part, en retrouvant la littérature qui se voit étouffée aujourd’hui par trop d’analyse, entre autres : place donc au plaisir du texte dans l’enseignement, place à la lecture, place aussi à l’écriture. D’autre part, en donnant un sens plus fort à l’étude de la littérature même, qui ne doit pas s’occuper de la défense des valeurs, mais de la connaissance des textes et de la manière dont on les produit, sélectionne, distribue, lit, mais aussi dont on les refuse et oublie. D’un tel programme, dont Schaeffer présente et discute, de manière fort convaincante, les avantages pour l’enseignement de la fiction et de la poésie, la littérature comme les études littéraires peuvent attendre un vrai sursaut, -et qui sait une sortie hors de la crise.

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